Wednesday, August 29, 2007

HUMANITÉ

J’étais là, à siroter du clou de cercueil et à admirer les souris qui s’étalaient devant mes mirettes. Mon copain « Sonny» se la jouait désert de Gobi et faisait pâlir mon bon vieux feutre mou, fidèle voile de mon anonymat.
Chers lecteurs, mes petits poussins adorés, vous devez oublier votre situation tranquignolette et vous placez dans la mienne de situation. Mon boulot, c’est de distribuer des asticots, alors je turbine de nuit. Quand j’ai l’occase de bosser comme oiseau de jour, je me permets de jouer au fonctionnaire et je m’octroie d’office une pause à midi tapant, l’heure où le soleil raccourcit les jupons.
Today, mon job c’est de faire cracher le morceau à un zigoto. Comme la planque est peinarde, je peux le cuisiner à n’importe quelle heure du jour. Et me voilà qui profite de la chaleureuse attention de « Sonny». Cependant, trimer de jour est un bénéfice marginal assez négligeable because que le poireau est un coriace. Le genre qui a le claque merde cadenassé à double tour. Si Bibi veut le faire cracher, il doit prendre des détours en forme de barre à clou.
La clopinette à tirée sa dernière bouffée de goudron. Pour Bibi, c’est l’heure de se faire aller la turbine et de raboter le bientôt buriné. Je remonte à la planque quatre à quatre because que j’ai les menottes qui ont la bougeotte. Le soleil du printemps, ça me donne envie de brûler les étapes.
La planque où j’entrepose mon conneau fait dans les deux cents pieds carrés, les murs sont recouverts de matelas puceronnés et les fenêtres sont placardées avec des planches. Le sol est recouvert de prélarts dont les motifs sont déformés par les brûlures de cigarettes. C’est pas très convivial, mais c’est discret. Les sommiers, c’est l’idéal pour réduire l’écho des cris et ça, c’est omniprésent dans mon monde.
Le gus n’a pas bougé, normal il est ligoté comme un saucisson. Ça sent déjà la charcuterie. Il transpire tellement qu’on le croirait badigeonné, fin prêt pour la cuisson. Malheureusement, j’ai pas fini de le cuisiner. C’est une semelle de botte qui aurait grand besoin d’être attendrie. Il me regarde avec ses yeux boursouflés et je sais une chose, il me hait. Ça, c’est pas très bon pour les affaires, si je veux qu’il crache le morceau, il doit mourir de trouille et non me haïr à en crever. Mal barré comme je suis avec ce guignol, je suis foutu de le faire clamser avant même qu’il se mette à table.
Ce qui est dur pour l’honneur, c’est que je suis un des fleurons de ma profession. J’ai été, comme dirait l’autre, formé par le meilleur. Ce poète moderne aurait su s’y prendre lui. Alors moi, l’élève qui a dépassé le maître, pourquoi ça ne fonctionne pas…
— Alice, si tu crois que je vais l’ouvrir pour tes beaux yeux… tu peux toujours courir.
Ma menotte prend la parole et lui sert un flush. Je déteste l’évocation de mon nom. Alice, ça baisse le « standing ».
— Si tu me ressers mon blaze, je tache ton blazer, pigé?
Le pauvre type léchait le bord de sa lèvre empourprée. À travers ses lampées, il trouva de bon ton de me relancer.
— Où sont les étoiles Alice? Je ne vois toujours pas ton pays des merveilles? Tu peux me servir ton flush royal comme tu veux, mais plus tu m’esquintes, plus je perds ma capacité de chanter… c’est pas bon pour le « business » ça.
L’avait pas tors le gars, je m’étais ramolli. Comme un seul homme, je calfeutrai la bouche du type, je débouchai une bouteille de whisky et prit place devant la fenêtre.
— Tu sais, les choses changent sans qu’on s’en aperçoive, y ’a pas dix ans de ça, y ’avait un tramway et deux fois moins de voitures…Si l’on regardait exactement d’ici, on avait une perspective différente. Because quoi que Bibi sait cela, parce que j’y étais, c’est ici même que j’ai eu ma première formation de gros méchant loup, avec Ted le « Poète ». C’est le type le plus étrange qu’il m’ait été donné de connaître. Il était du genre contradictoire. Sa pensée était en parfaite opposition avec ses actes. Pourtant, il cohabitait avec lui-même.


***


C’était un après-midi de pluie, la pièce sentait de transpiration, les matelas fixés aux murs témoignaient de la répétition de cette scène par leur moiteur continuelle. Un jeune garçon était encastré dans l’ombre, il était attentif aux moindres gestes d’un homme qui se tenait face à lui. Il retira sa casquette de laine.
— Hep, le kid, fais jamais ça! Ne retire jamais ton couvre-chef! Remets ça de suite.
— Pourquoi monsieur? Répondit le garçon d’une voix assurée.
L’homme sourit à l’éloquence du jeune garçon.
— Primo, la transpiration risque de te tomber dans les yeux. Si tu t’essuies les yeux, on percevra ce geste comme un signe de fatigue, l’autre aura l’impression qu’il gagne du terrain, ça lui donnera du courage et tu risques d’y passer la nuit…Et quelle est la règle numéro un?
Le garçon exécute un pas vers l’avant et se met à réciter :
— Choisir le chemin le plus court, faire vite. Moins c’est long, plus c’est rentable.
— Bien petit. Un de ces quatre, c’est toi qui prendras ma relève…
Sur ce, l’homme décocha un crochet au visage du séquestré, qui était ficelé à une chaise. Le coup n’était pas puissant, mais sec et rapide.
— Viens là, petit. tu as mérité ta première castagne, viens me rejoindre.
Le garçon s’exécuta. L’homme se plaça derrière lui et lui donna quelques indications.
— Maintenant, frappe-le, n’oublie pas ce que je t’ai appris. Un coup sec, tu ne dois pas te tordre le poignet et il ne doit pas avoir mal. Surprends-le. Il doit être constamment sur la défensive, ça épuise… ce sont ses nerfs que tu dois travailler, non sa peau. Pourquoi?
— Parce qu’un gentleman ne se salit jamais.
L’homme passa sa main dans les cheveux du garçon.
— Va maintenant.
D’un air assuré, le garçon se positionna. Son regard était froid, insensible. Cette qualité, il la tenait des rues poisseuses où il avait grandi, et de son père, battant sa mère avec une ceinture lorsqu’il avait joué aux courses toute sa solde d’ouvrier. il la tenait aussi du marchand de légumes qui lui bottait le train lorsqu’il tentait de se servir dans son étalage pour compenser son repas jeté à l’hippodrome et des gamins de son voisinage se vengeant à leur tour de leurs parents indifférents. La crise économique avait fait son bonhomme de chemin en établissant une règle des plus simple ; celle du plus fort. Aussi le garçon ne sourcilla point lorsque sa petite main heurta le visage de l’homme au niveau de l’arcade. La victime était épouvantée. On pouvait lire la détresse que ses yeux communiquaient. Le jeunot la perçut et s’adressa à son professeur tout en dévisageant le gibier de potence.
— Ted, avec les yeux qu’il a, je crois qu’il est prêt à ouvrir sa boîte à musique.
— T’es un petit vite, toi. Mais aujourd’hui, c’est pas ça qui nous intéresse, c’est une formation officielle que tu reçois, on n’a rien à branler de cézigue. Il n’a rien d’important à dire. Pas vrai, ducon?
Les yeux de l’homme coulaient comme rivière. De toute évidence, cet homme commit l’erreur d’arpenter la mauvaise ruelle.
— Il est innocent? s’exclama le gamin.
— Personne n’est innocent, cet homme, comme tout être humain a sûrement une bricole ou deux à se reprocher. On peut lui faire cracher le morceau… si tu veux t’en convaincre.
— Non, ça va! Répondit le gamin en se donnant l’air d’avoir beaucoup d’hivers sous le chapeau. L’épicier qui demeure en face de chez moi se la joue « mari parfait », mais il couche avec ma petite voisine de palier.
Sur ce, le garçon décocha un coup au ventre de l’homme et fit un sourire d’enfant modèle à Ted, qui fut réduit au silence par l’émotion. Il se tourna et fit signe à son acolyte de le suivre dans la pièce voisine. Devant la fenêtre, il s’alluma une cigarette. Il avait le regard fuyant. Le garçon vint se placer devant lui, en attente d’une main sur l’épaule. Celui-ci savait qu’il devait regarder dans la même direction que son mentor afin de ne pas voir la larme qui lui glissait sur la peau des joues
— Regarde! Dit Ted.-Voit comme cette ville est belle, elle déborde d’énergie. Sens-tu la fébrilité?
— Pour moi, c’est comme une décharge.
La main de Ted se posa sur l’épaule du petit garçon qui frémit, tant elle était ferme.
— Alice, si tu veux bien faire les choses, être un homme. Tu ne dois jamais oublier ce que tu fais. Tout ça ne doit jamais devenir un « travail ». Tu dois le faire avec passion, prendre la mesure des choses… à chaque instant.
Sans se retourner, Alice demanda à Ted :
— Je ne comprends pas?
— Tu ne trouves pas que la vie est formidable petit?
— C’est la pire chose qui m’est arrivée, c’est dur, tout le monde veut me faire mal. Les gens me détestent, mon père, ma mère… mes amis.
— Peut-être ont-ils seulement peur de toi… mais ce n’est pas de ça que je cause. Tu regardes avec tes yeux, regarde avec tes tripes. Fais attention, tu es en train de maudire le plus beau cadeau que l’on ne t’a fait. Rage après la façon que les gens vivent dans notre société comme tu voudras, mais ne méprises jamais le fait d’être là pour le constater, ou ce que tu es : des os, des muscles, un coeur et un esprit qui respire et se meut. Regarde ce rayon de soleil qui chauffe cette vieille table, ne sens-tu pas la chaleur, ne vois-tu pas la beauté étincelante du bois… n’as-tu jamais rêvé d’ouvrir les bras et d’embrasser la fébrilité du souffle continue de l’existence. Vois hors de toi toutes les merveilleuses choses qui existent et cohabitent dans un enchevêtrement parfait. Regarde cet homme, une femme l’a porté pendant presque une année en elle. Peu à peu, des organismes se sont greffés ensemble de sorte qu’il devienne une forme de vie autonome. On a ensuite veillé à ce qu’il grandisse, qu’il apprenne des choses, ses parents voulaient le voir revenir de l’école, son sac rebondissant sur ses épaules, le sourire aux lèvres débordant de nouvelles préoccupations. Sens toutes ses passions qui s’animent. Alice hoqueta, serra les dents et partit à la course vers le détenu.
— Pourquoi je n’ai pas eu le droit de revenir de l’école avec le sourire aux lèvres!
Il frappa l’homme qui pleurait à l’évocation de son enfance. Plus Alice avait les yeux mouillés, plus il frappait, plus l’homme pleurait. Un grondement figea, le garçon en pleure.
— Sois un homme! Alice!
Le garçon fut saisi par le collet et surélevé du sol.
— Qu'est-ce que tu es? as-tu oublié ton nom?
Les yeux d’Alice parlaient de surprise.
— Es-tu un homme ou une bête? Alice!
Ted déposa Alice au sol lorsque celui-ci cessa de se débattre. Ted commença à faire les cent pas devant le gamin.
-Jamais un homme ne leve la main sur un autre par envie! jamais un homme ne saurais penser à lui avant les autres! Jamais un homme ne sait voir en lui les qualités qui l’habitent avant de regarder et de maudire celles des autres… être un homme, ça se mérite…
Ted se pencha et mit ses yeux dans les yeux du gamin.
— Si tu veux te considérer comme un citoyen de la grande nation de l’humanité, tu dois le mériter.
Alice se retourna vers l’homme attaché don le bâillon ne faisait qu’assourdir les sanglots.
— Monsieur, pardonnez mes enfantillages, promis, je ne le referai plus.
— Tu as fait une promesse. Dis Ted. Souviens-t’en et respecte-la.
Le petit garçon se retourna vers Ted. Il le dévisagea longtemps avant d’ouvrir la bouche.
— Ted, quand tu pleures, c’est parce que tu vas tuer un homme? Est-ce que c’est pour ça que l’on t’appelle « Ted le Poète »?
— Tu vas bientôt comprendre que nous vivons dans ce monde parallèle parce que nous n’avons pas notre place ailleurs, chacun à ses raisons : pauvreté, fragilité, incompatibilité… toutes les raisons sont bonnes. Je te prie de me croire, les gens qui habitent ce microcosme ne sont pas forcément mieux que les autres. Cependant, entre exclus, on cherche à se regrouper alors on se juge moins. Mais où que tu ailles, tu dois avant tout avoir une ligne de pensée, c’est elle qui te portera. Si tu vis assez longtemps, ce monde te rendra peut-être riche. Sache que pour beaucoup d’entre nous, être riche c’est arrêter de faire des compromis envers les autres…
— C’est vrai que si j’étais riche, je quitterais la maison et plus personne de mon quartier n’oserait faire autre chose que des courbettes pour être mes amis.
— Serais-tu heureux pour autant? Au moment de ta mort, aurais-tu l’impression d’avoir embrassé la vie?
Les trois têtes regardèrent au sol, puis d’un commun accord levèrent les yeux vers le plafond.
— Ted. Je sais pourquoi tu pleures à chaque fois. J’espère être capable d’en faire autant, un jour, moi aussi je veux être un homme.
Alice se dirigea vers la table, ramassa le rasoir et repartit pour s’installer en face de l’homme, il le scruta longuement. Le ligoté était incapable de soutenir le regard du garçon aux aires de chirurgien. Au bout d’une dizaine de minutes, la lame s’approcha du corps de la victime et trancha les liens de l’homme, encore paralysé. Alice prit la parole.
— Ne déçois pas Bibi, parce que je te jure que je ne diluerai pas ton sang avec mes larmes. File!
Le regard des deux hommes suivait le départ du troisième.
— J’en apprendrai tous les jours. Dit-Ted pantoit.
— Ted, j’ai droit à une glace ou mon nom c’est pas Bibi…


***


Sans m’en apercevoir, j’étais « encalifourchonné » sur une chaise devant mon patient. Mon feu était en complète érection et mes mains d’artiste voulaient pianoter de la gâchette. Le zigoto n’avait pas compris l’aparté savoureusement conté. Je lui arrachai le pansement buccal afin d’entendre son solfège.
— Arrête! Alice. Tu vas me faire pleurer toi et ton lapin blanc.
Le Poète avait pas tors, le petit monde interlope a son lot de lopettes. C’est affligeant quand même, être assez confortable pour entretenir un double menton et ne pas avoir essayé de prendre du temps libre pour autre chose que se goinfrer. Pauvre petit poucet qui n’a pas retrouvé ses cailloux. Je vous le dis mes fidèles mes très chers, y ’a qu’un Bibi comme moi pour avoir la voix nouée par un sanglot aussi tenaillant que celui-ci.
Je ne peux plus en placer une, mes paupières se contractent, j’ai un bourdonnement dans les esgourdes et je sens une perle qui submerge mes pattes d’oie et glisse le long de ma joue qui houle, entraînée qu’elle est par mon muscle de mâchoire. Le guignol prend une allure de pierrot la lune. Là, il a pigé que chaque seconde qui se présente à lui doit être savouré parce qu’elles ne sétenderont pas à infini. Dès qu’il tente de l’ouvrir, la crosse de mon pétard le discipline.
— Y ’a rien de mieux qu’un échec pour se remettre les idées en place. Ça je te le dois… merci lapin.
Je lui fis bouffer le bout de mon canon, je ne voulais plus rien entendre.
— Cette larme, c’est pour ta mère. Pour toute l’affliction qu’elle portera sur ses épaules lorsqu’elle se penchera sur ta tombe. Pour une mamie, Y ’à rien de pire que le cadeau que je vais lui faire…
Je lui pique un clin d’oeil façon « cinoche ». Je libère ma joue de la larme qui se dissout dans une flaque de sang à nos pieds. Maintenant, je libère le rouge…

LE CHAT SUR LE TOIT

Ah! Soleil, dieu que tu m’as fait attendre. Jamais Bibi serait douté que « Sunny » puisse occuper une si grande place dans sa vie. Je me voyais très bien en tant que chenapan nocturne me confondant avec les autres « catze » des quartiers chauds. Tout ça n’a fait qu’un temps, c’est-à-dire l’hiver. Là, c’est le moment de l’année où le soleil raccourcit les jupons et me donne envie d’enfiler de ses lunettes « super class » aux verres puissants comme des jumelles. Y ’a pas long que j’ai arrêté la « schnouf* » (nom de familier de l’héroïne) et je dois dire que même si ça la fout mal, c’est pour le mieux. Le bon Côté, j’ai plu mal aux yeux quand je sors de jour. Le prix à payer : hallucinations doublées de sueur froide. Y ’a rien de parfait. Sauf Bibi.
C’est la résolution que j’ai prise, être clean. Ça doit faire dix ans que je joue de la seringue, et je me sens cassant ces temps-ci. Mon héroïne a fait son bonhomme de chemin et m’a pourri de l’intérieur, je me sens sec en dedans. C’est quand même marrant comme retour à la case départ. Étant gosse, on veut en jeter, Bibi l’a pas été l’exception. Alors, je me suis crée un style. Et quelle style, que dis-je, quelle personnalité qu’un être cruel, sensible aux charmes narcotiques de l’orient. Cette inspiration, je la dois à ce cher Rostand, ce Cyrano de l’écriture. Comme tout bon gamin, Cyrano m’a insufflé un souffle, celui de faire pour être ce que l’on veut. Moi, j’ai voulu être un monstre de conte de fées. Chose dite, chose faite! Je suis devenu Bibi formidable en apparence, mais creux au-dedans. Je suis théoriquement impossible! Car je ne puise pas en moi-même, je pige ce qui me botte et l’assimile avec style. Pour mon entourage, c’est rassurant. Pour ma pomme, c’est un verre qui creuse sa galerie de sorte qu’il rend mes parois de plus en plus fragiles. Je sens que ça altère ma longévité. Of course que je suis immortel, mais faut pas abuser. So, être superficiel c’est une chose, mais si cette coquille vide nous rend cassant? Faut ajuster le tir.
L’autre jour, m’a fallu m’y reprendre à trois reprise pour casser les dents d’un contract. C’est mauvais signe. Mon assurance, c’est ma marge de crédit. Alors, le choix est fait, fini la « schnouff » et l’acuponcture. Je me ferai tueur philosophe. Je crois que ça aussi, ça peut impressionner. Un Bibi qui a la réponse à tout, ça serait sympa, non?

Là, je vais pouvoir me mettre à l’oeuvre because que le timing est bon. Mes très chers, mes fidèles, je suis sur un contrat assez peinard : dézinguer un zig à l’aide d’un fusil à lunette. Les gus d’en haut m’ont filé une cache sur le toit d’un immeuble, et je dois attendre que mon canard se pointe à la sortie de la bâtisse d’en face pour le faisander.
Je suis pas très adepte du nettoyage à distance, ça me paraît toujours un peu… puéril. D’autant plus qu’un homme de ma trempe, avec un physique d’adonis comme le mien, ce n’est pas fait pour se cacher. Ça doit pavaner. Aussi bien le faire pour mes victimes. Je leur dois bien ça. Je me sens dans l’obligation de vous rappeler un petit truc mes poussins. Je suis un type distingué, or, je porte des fringues classe, qui coûtent cher. C’est comme ça, et je considère que je n’ai pas à leurs faire faire des faux plis en me planquant dans des trous boueux ou sur des toits goudronneux. Le premier qui me traite de « dandy » va se faire ausculter avec un râteau. Vu?


***


Cette « maniana », le bigot a sonné pour Bibi. C’était Albin « l’Albinos » qui voulait me prendre en flagrant délit de seringue. Toujours à vouloir me faire la morale. Normal, je suis plus adroit que lui alors le gars veut me descendre pour paraître plus grand. Comme pour l’instant c’est mon patron, je suis restée polie.
— Bibi ! arrête l’acuponcture, y ’a du boulot pour ta pomme. Me lança-t-il avec un ton de cavalier.
— T’as tors de médire sur les techniques de relaxation orientales, vois l’homme que je suis devenu. Tellement zen, que j’ai plus besoin de la piquouse.
— À d’autres Bibi, t’es trop romantique pour ne pas valser avec ton héroïne.
— Albin… je suis blanc comme neige, tu sais ce que c’est toi.
— Je suis blanc, t’as raison. Mais attends pas que j’ai un coup de rouge Bibi parce que tu vas faire des « bu-bules » avec « ta bi-bile ».
— Daco-dac patron. C’est quoi le truc?
-454 De la Divine, sur le toit. Tout y est. Tu t’en vas en camping.
— Pronto.
— Bibi… fait chaud sur les toits c’est temps-ci, fais-nous pas le coup du gars qui s’évanouït.


***


Non seulement, il fait chaud là-dessus, mais le goudron a salopé mon futal. C’est pas jojo tout ça. quand je me suis pointé hier, j’aurais dût me douter que ce serait pas aussi fastoche que prévu. Venant d’Albin en général, ce n’est jamais gentil. Il souhaite tellement que je me casse la gueule qu’il me tricote un nid haut perché. Comme un test de mon équilibre.
Y ’avait la mallette pour le flingue, « as usual » et une enveloppe en papier kraft. À l’intérieur, aucune photo. Qu’un petit papelard sur lequel l’Albinos de service avait griffonné un truc en égyptien. La pas fait l’école alors c’est pas un champion de la main levé. La machine à écrire, trop complexe. Après une vingtaine de minutes, je lis à travers les lignes : imperméable noir, chaussures rouges et mallette crocodile. Possibilité de feutre mou.. Ça, c’est ce que j’appelle de la précision de fond de bouteille! D’alcoolo qui voit double si vous préférez. O.K., pour l’instant c’est de la philo de bazar, mais ça s’en vient!


***


Pour sûr que la vie est pas parfaite, mais là, le soleil a commencé à descendre et je n’ai pas bougé depuis la matinée. Ça doit faire dix heures que je poirote là, façon navet. Non seulement, j’ai eu le temps de cogiter à un ou deux traits d’esprit, mais je sais déjà combien de fenêtres possède le bâtiment d’en face. J’ai appris par cœur les noms des « grooms » qui font l’allée-retour entre les voitures et les chambres. Il y a trois putes qui ont servi trois clients chacune, à vue d’œil, il y a eu quatre rodéos, trois coups de sucette et deux coups de remords pour bobonne à la maison. Il y a eu une querelle de clochards et Ted le valet à esquinter trois transmissions en conduisant les voitures des clients au stationnement.
C’est un hôtel duraille à classer. Je ne pourrais me résoudre à savoir si j’ai envie d’y passer la nuit. ça sent le luxe, mais, c’est situé dans un quartier de paumés. Autour, les bâtiments ont les fenêtres placardées, y’a tellement de déchets dans la rue qu’au premier coup de vent, on se croirait rendu à l’automne! Les touristes qui y descendent s’en rendent compte trop tard eux aussi. Mais les valets sont voraces. En un tourne main, la voiture est garée et les valises montées. Ça presque l’air malhonnête comme racket!
Premier frisson. Règle de base, plus il fait chaud le jour, plus la nuit est glaciale. L’Albin l’avait pas spécifié la prolongation. « As usual ».


***


Fais deux heures que votre petit Bibi bouillonne de la calebombe. Normal, n’y a rien d’autre à faire. Je peux ; ni bouger, ni râler, ni me tailler. Le type est pas apparu, alors je dois attendre qui pointe le bout de son nez afin que je puisse le lui raboter. Pas mal comme tournure de phrase, ça a un côté “cruauté rustique”! J’aimerais bien faire comme les « catze » d’en bas qui se disputent un oiseau qui à voulue s’enfenestrer. Ça m’enlèverait les fourmis qui me dévorent les guiboles. C’est pas des farces, si les poulouses apparaissaient, je serais même pas foutu de courir, je sais même pas si je pourrais tenir à la verticale. Pour un zig qui est en recherche d’équilibre, c’est mal barré! Mieux comme parabole! Votre chéri d’entre tous fait des progrès mes poussins. Bientôt, vous pourrez l’aduler comme il se doit. Autre fait divers, mon sevrage se porte bien, mon fusil à lunette n’as pas encore la tremblote.


***


Là, mes fidèles mes très chers, un truc est passé devant la lunette de mon fusil qui lorgnait une pièce éclairée de l’hôtel d’en face. C’était… inespéré. Une souris comme en n’en voit qu’au ciné. Je vous le jure. Elle se la joue même pour l’audience because qu’elle n’a pas fermé les rideaux de ses immenses fenêtres pour me laisser admirer « son » châssi. C’est splendide, ça valait l’attaque des fourmis rouges sur mes gambettes. Ça valait aussi d’avoir le couvre-chef imbibé comme une éponge. Ça oui mes petits. Après ça, je peux bien perdre l’équilibre et plonger en bas du toit, because que je mourrais le sourire en coeur, et l’écume au bord des lèvres. Elle avait de ses collants résilles qui ont une couture derrière le molet. Pas la ligne dessinée, la vraie. Because quoi que le Bibi sait cela, parce qu’il était braqué sur elle quand elle les a enlevées. Que dire du corset pigeonnant sinon que j’aurais vachement voulu être un volatile pour pouvoir aller converser avec. Mes amis, cette Marilyn avait du propos à cette heure, moi, je vous le dis. Son rouge à lèvres était phosphorescent. Son nez à l’Irlandaise me donnait envie de suivre un régime de patate. Sérieusement, avez-vous déjà remarqué le nez de ses insulaires. Court, pointu et légèrement tacheté. Toujours symétrique. Mon futal est fichtrement inconfortable, question de pression sanguine. Là, je sais que je ne suis plus au pays de la schnouff. Mais plutôt dans l’Olympe, siégeant aux côtés d’Hercule. Je me sens comme le pur-sang d’Odin, à la différence que j’ai trois pattes, au lieu de six…où huit? Maybe, who care because que tout les deux, on est de l’ordre du bouche à oreille déformant. Normal que je m’onirisme à la mode « lyric ». Z ’en faites pas pour mes transgressions les lapins! Ici, a Montréal city, dans les années trente, on « franglaise » en poète et/ou philosophe, c’est selon. Dans mon cas, c’est les deux… not as usual, but « as new »!


***


Là, si je ne me calme pas, je vais foutre le camp en bas de mon nid. Va falloir bosser question équilibre! Cet imbécile de Frank « L’Armurier » m’a filé une lunette miteuse qui grossit quatre fois maxi. Je sais que je suis bon tireur, mais mon « pestacle » manque de gros plan comme dirait l’autre. Je maudis particulièrement Frank lorsqu’elle se met face à la fenêtre pour enlever le reste de ses fringues. Je dis bien tout le reste. Si un serpent me le demandait, j’irais à ses côtés en costume d’Adam lui faire faire un tour de carrousel. Laissez-moi vous dire un truc mes pouliches, la pomme, elle pourrait pourrir because que j’aurais mieux à faire que flâner dans le verger. Je serais là, à renifler de la vierge. C’est cru, mais au moins c’est direct. Quand on prend trop de détours, c’est votre mastard qui finit par en faire. Dieu que je hurlerais a la lune. Le problème, c’est que la souris m’entendrait et tout ça me ferait perdre ma petite cachette qui possède, faut bien le dire, ses petits bénéfices marginaux. Là, j’ai à peine essuyé la bave qui me coule sur le menton que j’ai droit à un coup de théâtre de très mauvais goût. Le rideau tombe. Et, je tombe des nues parce qu’à ma montre, il indique à peine onze heures p.m. Primo, des numéros comme celui-ci, y’a pas de rappel. N’oubliez pas que votre humble narrateur ne peut pas non plus se lever et applaudir en exigeant une suite. En moins de deux, les poulouze vont rappliquer et ça va mal se terminer. Secundo, en général, de onze heures du soir à sept heures du matin, les gens dorment.
Tout le monde dort. Sauf Bibi qui s’est tout à coup refroidi et qui commence sérieusement à se les geler. Va falloir qu’on éclaircisse un truc pour moi parce que ça m’échappe un peu. On parle de « syndicat du crime », mais pour un truc du genre, laissez-moi vous dire que les conditions laissent à désirer. Que dis-je, elles sont miteuses.


***


Sept heures du mat, la seule chose à mater c’est un laitier aux prises avec une portée de chatons. Of course, c’est mignon tout plein, mais moi j’ai pas la tête à ça. Je veux appuyer sur ma détente et me tirer de mon nid. La nuit a été longue, et je sens mes paupières qui commencent à se faire un charleston, je lutte contre le sommeil. Vous connaissez l’expression : je tuerais pour un café! ben c’est « today », le 24 juillet 1930 que Bibi l’a lancé du haut de son toit. Vous en 2006 vous pouvez pas savoir, mais moi je sais que je suis le premier zig à l’avoir dit avec ce genre de conviction. Y ’a un type qui sort. Il a une mallette noire, un complet crème et une paire de broke noir et blanc. C’est peut-être lui, qui sait? Bibi ça lui plairait que ce soit le bon gus. Je vois de suite mes lecteurs scrupuleux se demander pourquoi je ferais un tel truc? parce que j’en ai marre d’attendre et que çe plouc à une paire de souliers comme j’en ai toujours voulu. Je sens que je commence à devenir mauvais. M’aurait fallu un surin, le numéro de la chambre et ça ferait longtemps que mon histoire serait finit. Pour sûr elle aurait moins de pages, mais comme le disait ma maman : « la quantité importe peu, c’est la qualité qui prime ». c’est sûr qu’elle me servait ses slogans quand le repas était frugal because que le paternel avait fait un crochet par la taverne la veille, mais bon. On fait ce que l’on peut avec ce que l'on a.


***


Midi, toujours rien. Mais je le souligne chers lecteurs, votre narrateur ne fait pas d’ellipse trop longue, il reste dans le rythme. On pourraît presque dire qu’il est narrateur omniscient, ah ah, euh, qu'est-ce que je raconte là moi?


***


Sunny me quitte à nouveau, il est en train de se la jouer « Magic hour ». C’est très joli, mais je m’en fous. J’ai envie de fumer une clope, ça fait une éternité que j’en ai plus. Pour Bibi, cogiter sans clopinettes, c’est aussi compliqué qu’apprendre le ma-jong avec des instructions codées en morse. C’est que je suis plus plus moins patient. Et là, à travers ce soleil couchant j’ai une putain de vision. Elle, ma danseuse a moi qui sors de l’hôtel. Je reconnais sa démarche, ce roulement de hanches qui rend la déglutition laborieuse. Son rouge à lèvres, je le reconnaîtrais à des kilomètres comme un phare où m’échouer. Elle a de ces belles chaussures rouges aux talons pointus comme on n’en voit jamais assez. Même son imperméable noir ne pourrait aseptiser sa silhouette féline.
La seule chose qui me déçoit, c’est sa mallette. Du putain de crocodile! Je sais déjà que notre relation va être à sens unique. Elle me fait de l’effet, comme jamais une souris ne l’a fait. Elle a un petit côté intriguant qui me titille le “grand juteux”(cerveau). Au moment de tirer, mon doigt ne répond plus. Je ne peux me résoudre à cette relation à distance. Les distances, ça coupe les odeurs.
Je laisse le fusil derrière moi et cavale en direction de l’escalier de secours. je vais tellement vite que j’ai l’impression d’avoir un peu d’équilibre. En moins de deux, je suis à travers les passants, j’ai le battant qui résonne dans ma poitrine. Mes yeux la retrouvent à quelques mètres de là. Elle est très facile à suivre. Son aura la fait ressortir de la masse. Je demeure de mon côté de rue pour ne pas éveiller les soupçons. J’assure mon surin au fond de ma poche et accélère le pas. Je ne peux m’en empêcher, je traverse la rue. Un coup de klaxon me fait sursauter. Je suis complètement naze ou quoi, je sais plus traverser la rue! Au moins, elle ne s’est pas retournée. Je poursuis ma course pour arriver derrière elle. J’entrevois sa nuque, elle s’est fait un chignon sous son chapeau. La plus belle nuque que j’ai vue. Ensuite, elle me fait le coup du parfum. J’ai les genoux qui fléchissent, je me tords pratiquement une cheville. PUTAIN D’ÉQUILIBRE! Mon cran d’arrêt manque d’ouvrir à l’intérieur de ma poche. Chose qui hypothèque la descendance. Je m’arrête pour me raisonner. Bibi, t’es qu’un amateur! La panthère choisit ce moment pour s’engouffrer dans une ruelle. Hors de question de la perdre sans savoir son nom et son numéro de téléphone. Je m’engouffre dans la ruelle.
Sitôt entrée dans la ruelle, une poigne de fer me saisit le bras. Comme je dégaine mon couteau de l’autre, je tire mon bras et mords le poignet de la main qui me serre. J’ai du rouge dans les yeux. Les éclaboussures, sans doute. Et il y a ce parfum, cet effluve indescriptible qui me fait relâcher la mâchoire. C’est la nana! je le constate lorsque sa tête part vers l’arrière et qu’une étincelle de lumière vient courir sur ses lèvres rouges à en crever. Elle échappe un petit cri qui ferait fondre le plus méchant des douze salopards. Moi, je ne fais pas exception, je fige. Et là, un truc me fout la chienne. Sa bouche en détresse devient le rictus le plus cruel que je n’ai jamais vu. Mise à part du mien, bien sûr. Trop tard pour comprendre, mais bon, disons que je comprends le mauvais télescope, c’était pour me garder à distance. Le strip-tease devant la fenêtre, une ligne tendue pour les poissons. Elle savait que je matais et elle s’est organisée pour m’emmener dans cette foutue ruelle. Quand j’en ai fini avec mes découvertes, je suis étendu dans une pile de boîtes vides. Elle s’est taillée. La salope! Mais je suis en vie, ce qui n’est pas trop mal d’ailleurs. Je me relève pour perdre pied aussitôt. Une de mes guiboles ne répond plus comme il faut. La raison est simple, mon cran d’arrêt est fiché dedans. La panthère m’a fait un petit cadeau d’adieu.
C’est sûr que l’Albin va se faire un plaisir de me passer un savon. Mais je ne regrette pas l’expérience. De toute façon, j’ai choisi mon job because que je déteste suivre les règles, normale que je déroge à tout ça de temps en temps. En plus, j’ai fait la rencontre d’une gazelle pas piquée des verres. Le lion à trouvé sa Tigresse comme dirait l’autre…

Ce qui, mes chatons, amène votre héros à la fin de l’histoire. La coutume voudrait que j’aille faire quelques pas avec mon héroïne, question de « dépresser». Mais si je m’en tiens à ma nouvelle identité, je dois accéder à l’endorphine en chauffant mon grand juteux avec une réflexion transcendante! Si je veux vous revoir bientôt, faut que je sois si puissant, que vous en veniez à confondre ma voix et celle de l’autre tout-puissant. Alors, voici le treizième commandement. Celui qui porte la poisse aux autres et fait regretter à Moise de s’être cassé le cul pour rien.
« Tout au long de mon périple de “Catz de toiture”, j’ai cherché en vain une nouvelle vie basée sur l’équilibre. Impossible. Je crois comprendre que l’action découle de notre condition du moment présent, mais qui est toute fois imprégnée du passé et affectée par l’anticipation du futur. C’est comme marcher. Entre chaque pas, se trouve un court laps de temps où le corps est en déséquilibre. Il ne l’était pas avant, et ne l’est plus après. Mais là déjà été et le sera sous peu. Or si tout est question de déséquilibre, pourquoi cherchons-nous inexorablement l’équilibre? La position qui nous offre cet avantage n’est- elle pas la stationnaire? c’est peu dire, mais une chose sûre, ça ne mène nulle part…Bonne nuit blanche mes pou-pou!

Bibi

AAAAAHHHHRRRGGG!

Bibi’s Back ! virulent comme la pression sanguine et chaud comme le foutre frais jetté. A quoi ça sert? à rien, sauf à se sentir better than ever. Like un géant affirmé comme le roc aux arêtes trop tranchantes pour le commun des mortels. Who care ? les fragiles, les pissous et les lopettes. Pour Bibi, que du neuf sous le soleil qui réchauffe les veines façon bains turcs.

Ce qu’il y a, c’est le printemps. Enfin, le soleil a une incidence sur ma dissidence. Il me chauffe le corps. J’en veux, ôtez-vous de mon chemin si vous ne supportez pas la lave qui découle de mon état de fusion saisonnière. Finit la came, Bibi est surplombé de soleil. C’est le genre de bastringue qui suffit. J’en veux, donnez-m’en!

Quand on est un guerrier, pousser le « aaarrg » ce n’est pas de la rage, de la haine ou quelque autre distorsion, c’est seulement que l’on sait que l’on est si petit et sans incidence pour l’univers, qu’on se sent obligé de lui crier la vigueur qui nous emplis les veines pour qu’il puisse nous entendre. Voyez, mes petits lapins, l’univers n’as pas besoin de nous, c’est le « contrario ».

Mais tout ce tintouin, c’est petits moments tendres sont très chouchou certes, mais ce n’est que la crinière de l’iceberg. Rien ne sera tout sans le sentiment d’exaltation. Ça, c’est de la « rumba ». voir les choses comme elles sont pour de vrai. Sans le filtre de l’attitude. Percevoir viscéralement le volume d’un détail, avoir le palais si plein d’une odeur, qu’on veut la happer pour la faire sienne. Vouloir s’emplir de ce qui nous entoure. Être en amour avec le coin du bâtiment à ma gauche parce que la couleur des briques et le relief de celles-ci sont si… vrais!

Y’a pas mieux que l’allégresse d’une réverbération de l’état et de la matière.

Putain, je ne me connaissais pas un don pour le « méta ». Physique ou langagier, pour moi, en ce moment c’est du pareille au même because que depuis que je vous fais la leçon, je n’ai pas bougé d’un poil, j’ai les mains ouvertes, les bras façon cordiale, les pieds vissés au sol et les larmes qui débordent de mes verres fumés façon torrent des mers chaudes. J’embrasse le coin de rue qui m’entoure et bénit le rayon de soleil qui force mes yeux à jouer de la paupière. Ce moment m’appartient. je le saisis et me réchauffe le cœur avec.

Je ne veux plus bouger, resté dans l’instant fatidique de la prise de conscience oisive et non monnayable. J’ai le cœur qui bat la chamade. le petit chat errant le sait et m’en fait la généreuse démonstration et me couvrant les jambes de son odeur. Il m’a accepté, moi un être humain, la chose la plus odieuse jamais conçue par la bisbille moléculaire. Lui, fidèle représentant de la nature, me reconnaît comme siens. Il n’a pas peur de moi, il me veut. Quel vibrant hommage d’un univers dont je n’aurais jamais suffisamment de synapse pour en comprendre toute la richesse. Je suis une montagne, l’espace de quelques secondes.

QUAND ON EST TORDU DANS LE BON SENS…(TEXTE HORS-SÉRIE)

Une femme… mmmm! Un mot rempli d’image. Me vient de suite l’idée de courbes sinueuse qui ondule le long d’une démarche précise et particulière à chacune. Une nuque délicate qui se cache sous la chevelure. Idéalement courte ou ramassé en chignon. Cette petite étincelle subtile qui se cache au détour d’un regard ou d’un geste quotidien. Ce petit minois, toujours particulier qui nous souri et nous rend témoin d’une beauté si précise et pourtant incomparable. C’est comme l’essence de vanille. C’est une question de subtilité. Une odeur avec l’aquelle on veut s’emplir les poumons afin de respirer à travers. Tout en sachant très bien que c’est perdu d’avance because que l’attrait tient de sa subtilité.

C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai toujours eu le désir secret de m’envoyer en l’air avec une de mes profs. Beaucoup ont cet apanage de modestie bienséante, cette retenue qui donne envie de déchirer la froque avec ses dents pour y ressentir les vibrations de leurs chairs inexposés. Délicate par leurs non-mise à l’épreuve.

Pourquoi? c’est comme ça. c’est un challenge. Quel plaisir que celui de renverser les rôles d’autorités. Si en plus on peut faire ça dans la classe et usurper la fonction du lieu… génial. Mélanger les cartes, tâter de l’interdit, c’est le genre de truc qu’on se souvient quand on a un pied dans la tombe.

Y’a des journées comme celles-ci où l’on se sent comme un géant de fer. Blindé, tordu et frondeur. Connecté avec tout ce qui se déroule. J’ai les réflexes aiguisés, et je dégage une « vibe » très sexe et me sent tellement mâle que j’ai l’écume au bord des lèvres. « Today », c’est le jour de Bibi.

Quand mon chou chou de prof prend les présences, je la dévisage façon prédateur. Ça la fout tout mal, mais elle aime bien because elle sourit en baissant ses petits yeux lumineux. Les zigs autour ne remarquent rien, normal, c’est moi qui ne l’est pas aujourd'hui. Le cours commence et je n’entends rien, mon sang se la joue marteau piqueur de tempes, mon respire se fait de plus en plus fort et la nuque frissonne. Dieu de dieu, donnez-moi une armée à affronter que ça me ferait chaud au cœur. Je suis d’attaque. Je ne la lâche pas des yeux, comme un reptile, la seule chose qui bouge, ce sont mes narines. Que ça paraisse ou pas, rien à battre…

Comme elle essaie de bien faire son job, elle zieute tout le monde sauf moi, qui ai droit à de petits regards à la dérobés. Je suis choyé. Elle décide de me faire face et finit sa citation en me plombant les yeux.

C’est le moment ou jamais de faire un signe, ne jamais regretter de ne pas l’avoir fait. C’est le temps de lâcher-prise. Sans filet de sécurité.

Tandis qu’elle me regarde, je la déshabille des yeux. À hauteur de son bas ventre, mes narines se dilatent, je fais mine de lui sentir l’entrejambe. Mon regard se termine dans le sien. Elle a un peu de difficulté à enfiler une nouvelle phrase la pauvre. A quelque part, une fois tombées les barrières du puritanisme, c’est un chouette compliment que je viens de lui adresser. Elle ne sait pas quoi faire, alors je la laisse aller en clignant des yeux. Le reste du cours se déroule dans l’attente du départ de mes condisciples. Je sais que chronos va se payer un ralenti à en faire mentir les aiguilles de l’horloge. Je suis toujours hésitant jusqu’au moment où ma souris termine le cours prématurément. C’est une astucieuse, quelle belle façon de vider une classe rapidement! Je suis le seul étudiant à prendre son temps. Elle, ce n’est pas une étudiante….

Je me lève et me dirige vers elle. Son regard ne bronche pas de la table, elle est toute rouge. Faut être un zig pour ne pas voir l’opportunité de rodéo. J’approche mon museau de sa nuque, elle est toute chaude. Avec ma main, je plonge dans son corsage, le soutien-gorge ne tient pas la route, il est débordant de douceur aux mamelons dûr comme pendant l’hiver. Mes très chers mes fidèles, je peux vous garantir que le fond de l’air n’est pas frisquet lui. En expirant, elle se laisse tomber sur le dossier de sa chaise. J’ai pas envie de l’embrasser de suite, ça nous rapprocherait trop et c’est la distance qui m’allume. Je m’agenouille devant sa jupe qui me certifie du bon timing. Elle est à carreaux. Marrant non?

J’appuie mon visage dans sa chatte encore voilée par la culotte. C’est bouillant. Va pas falloir longtemps avant que sa mouille transperce le modeste coton destiné à demeuré anonyme. C’est le genre de truc qui me branche, l’inattendu. À ses soupirs, je sais que c’est réciproque. Quitte a me remplir le nez, je lève sa patte pataude et la repose sur mon épaule, d’une main, j’écarte le tissu et m’approche le museau au plus près possible, je sens son odeur, ses poils me chatouillent les lèvres, je reste à distance question qu’elle prenne compte de mon souffle chaud.

Quand ma langue lui sépare les lèvres, elle gémit. Bon signe. Ça coule de chaque côté façon fruit juteux. C’est épais et goûteux. Mon cœur s’emballe, je déchaîne le Molosse. J’ai l’impression d’être un chien qui se dispute un no-nos à lui-même. Sa deuxième cuisse me monte sur l’autre épaule. Elle ne peut pas retenir ses soupirs qui se font de plus en plus fort…

La table me gêne alors je rue et la propulse à un mètre, dans l’élan, j’ai oublié les roues de sa chaise qui nous fait entrer en collision avec le mur du tableau. Ça baise la subtilité, tant mieux!


Là, c’est un tantinet moins drôle, une étudiante entre en trombe dans le local. Elle est un peu déconfite. J’ai le visage luisant, mais je m’en cogne, mes yeux enflâmés font oublier le « gloss ». ma maîtresse aux yeux huis clos ne réalise pas encore le peut-être pépin. Toujours dans mon monde de volupté, je ne peux m’empêcher de lui dire :
— Joignez à nous si le cœur vous en dit!

FETE À BIBI

Today, c’est le jour du Birthday à Bib. Pas que c’est mal, mais la noche se la joue tranquignolette. Le club où j’ai atterri n’est pas mal du tout, mais comme on est dimanche, les gens s’économisent pour le boulot qui les attend lundi matin. L’économie c’est l’antithèse de mézigue, ça colle pas sur mon blaze. Une pige de plus, ça s’arrose, que dis-je, ça se défonce. Je veux des bulles de la bile et de la baston. Faut que ça swing. J’ai rien contre les rengaines sulfureuses « jazzy », mais seulement aux petites heures du mat, quand ma boîte à musique a le cornet tordu. De toute façon, c’est la fête à Bibi, c’est Bib qui décide. Un peux comme si j’étais dieu. C’est vrai quoi, disons les choses comme elles sont.
Nonobstant cette envolée totalitaire. Je ne suis pas maître de ma soirée. L ‘approche les onze heures et le whisky m’a vidangé le sang pour le remplacer par un « gaz oil » brûlant aux vapeurs corrosives. À ce train-là, tel Cendrillon, je vais marcher sur les cils aux douze coups de minuit.
Pour rajouter à mon naufrage éventuel, y’a pas de souris à mille lieux à la ronde, sûrement because qu’hier y’a eu trop de « fais-moi mal Johnny-Johnny ». les garçons de nos jours j’vous dis pas comme ils sont pas assez gentils…
Parlant de minet, va me falloir arpenter la « calle » pour que le « catz » que je suis puisse se faire les griffes, question d’évaporer la somnolence.
Je sors du club par la porte arrière, celle qui donne sur une ruelle toute poiqureuse, fleurant bon les vidanges et l’intimité à trois dollars le suçon. Au bout de celle-ci, y’a une minette qui joue les parcomètres. Elle a racolé un mec nerveux qui regarde constamment derrière lui question de pas avoir été suivi par bobonne. C’est un gentleman, je vois bien que c’est sûrement le seule bon type que la nénette va s’envoyer pour le mois. Ça va me réchauffer le cœur si j’arrive à gâcher leur noce de carton pâte. Bibi, c’est un méchant mes poussins, mais un loup qui s’assume alors…
L’ont à peine fait leurs salutations aux préliminaires, que je m’élance vers eux. J’ai le feu dans les veines et je respire déjà l’odeur ferreuse du jus rouge. Ma tête s’enfonce entre mes épaules, je roule des mécaniques façon bulldozer. Mes battoirs fendent l’air, impatients qu’ils sont de percuter la matière dure et légèrement coussinée qu’est l’amalgame des os recouverts de muscles et de chair.
Cette samba va être salissante, je veux sentir la visqueuse chaleur du sang sur mon visage et dans mon cou. Que les éclaboussures me fassent des peintures de guerre. Je veux hurler à la lune, surplombant ma victime comateuse. Impact dans cinq, quatre, trois, deux et un…
C’est la souris qui embrasse mon « brassknucle » en premier. Un côté de sa calebombe a cédé. Le tout en silence. Y’a eu qu’une vibration molle et sans écho. le coup n’était pas direct, il à glissé sur les cheveux de la demoiselle. Comme un bruissement dans l’herbe. Elle perd toute coordination. Bien qu’étant de dos, elle me fixe presque dans les yeux à la façon d’un hibou. c’est la fin trajet pour la pouffiasse, elle embrasse la ruelle une dernière fois. Bien qu’elle ait quelques convulsions, c’est pas garant de sa santé.
Le guignol est un rapide. Il esquive par la droite, mais ma paluche le saisit par le côté du visage et mon index pénètre son globe oculaire. Comme la prise est bonne, je referme ma poigne de fer. Il crie et ça m’agresse. Mais bon, la vie peut pas être parfaite!
Pour le faire taire, je percute sa tête, toujours au creux de ma patte, sur le mur qui nous surplombe. Une fois, on comprend le mouvement, deux fois c’est la victime qui allume sur la situation, trois fois on y met de la force et on s’emballe pour répéter le mouvement à l’infini. Comme je suis pas un débutant, j’anticipe le fracas mou-dur qui ne sème pas la panique dans mes tranchées. Au contraire, je mords ma lèvre parce que c’est la seule partie de mon corps qui n’est pas tendue. Je ne frappe plus, j’écrase en vrillant question que sa tête passe entre les briques.
Ses lèvre molles articulent un pourquoi. Alors je force de plus belle, mes broques noir et blanc aux semelles de cuir en glissent sur le gravier et soulèvent la poussière. Je ne veux pas qu’il articule un mot, ce que je vis c’est un truc perso, écraser sa belle soirée que je n’ai pas eue, la tendresse féminine qui nous fait sentir superman. Je veux qu’il disparaîsse dans le mur, je veux le brimer, le voir paniquant comme un gamin qui cherche sa mère, que moi je n’ai pas eue. Si moi je n’y ai pas droit, personne n’y à droit.
-C’est bien clair ! petit schtroumpf ! Que je crie sans même m’en apercevoir.
-S’il vous plaît, j’ai une femme, des enfants que j’aime !
-Pas moi ! tu entends ? pas moi, est-ce que tu peux comprendre…pas moi !
-Je suis sorti parce que c’est ma fête aujourd’hui…je vous ai vu au bar, j’ai failli aller vous voir pour partager un verre. Dit-il à moitié dans les vapes. À moi de rugir en le percutant au mur à chaque syllabe de mon cri du cœur :
-Tu n’est pas venu! une larme de crocodile coule sur son visage.
-Ce n’est pas comme ça que ça marche les larmes !
et je frappe, je frappe, je frappe.
Passé un certain stade, le poivrot se la joue somnolent insensible et m’abandonne à moi-même. Je le réanime en frottant son visage de gauche à droite sur le mur de brique au mortier inégal. Peine perdu. Mes bras, épuisé le laissent s’éffondrer au sol. Suite et fin. Un trou dans le pays, une crevasse non-ensevelie dans mon cœur…le voile rouge se dissippe. Je reviens à la réalité.
-Bon, et alors ! me dis-je à moi même.
De ma candeur naturelle, je suis affligé par les deux petits tas qui jonchent le sol. Vont être affamés because qu’en ville, y’a pas de pissenlit.
Une bonne douche, et je sens que je vais dormir comme un poupon. En attendant que la digue se remplisse et cède à nouveau.

À plus mes bichons… mortuairement vôtre

Bibi.